Après la catastrophe de Fukushima (car c’en est une, plus personne ne peut le nier…) le « débat » sur le nucléaire a fait long feu en France et ailleurs. Mais ici, il semblerait que les échanges prennent un ton radical et un caractère passionnel à la mesure de l’implication de notre pays dans la dite filière nucléaire. Et comme on le rabâche à l’envi, le nucléaire reste l’un des « fleurons » de notre pâlissante industrie. Il faudrait donc défendre bec et ongles « les emplois », protéger une économie toute entière bâtie sur le nucléaire (civil ou pas). De surcroît, on sous-entend que les anti-nucléaires seraient des irresponsables, des antisociaux ou, allons-y franchement, des traîtres à la patrie et à l’avenir de l’humanité ! On prétend même, que le nucléaire serait l’avenir tout court. Cela rappelle les prétendus débats au moment du referendum autour du « traité européen à valeur constitutionnelle », où l’on assénait avec aplomb qu’en cas d’échec dudit traité l’Europe se retrouverait bien vite dans la situation de la France en 1793… Mais c’était avant la crise institutionnalisée…
Pour en arriver à un tel niveau d’invectives, il faut que les enjeux soulevés soient bien forts en effet. En somme, hors du nucléaire, point de salut. Cela a le mérite d’être simple. Pourtant cette affirmation est en elle-même si aberrante et irrationnelle (malgré tous les discours de rationalisation qui l’entourent) qu’elle devrait immédiatement susciter la méfiance. Mais comme l’époque est au bourrage de crâne et à l’intoxication vraiment généralisée, tout le monde est sommé de prendre position par « oui » ou « non ». Si l’on veut avoir une attitude un tant soit peu rigoureuse, on sait bien que la réponse est toujours plus nuancée, et c’est bien embarrassant quand on veut des réponses toutes faites.
J’aimerais rappeler quelques faits relatifs à l’énergie nucléaire et à sa place dans la nature comme dans nos sociétés. On affirme que le nucléaire français est « extrêmement sûr » et l’on a eu de cesse de le marteler pendant les semaines qui ont succédé le tsunami dévastateur au Japon. Cela ressemblait un peu à la méthode Coué. Cela servait d’ailleurs surtout à nous rassurer, et à prouver que le nucléaire français « était le plus sûr au monde ». Or, qui pourrait sérieusement prétendre qu’une invention humaine soit sûre à 100% ? Quelle démesure ! Mais c’est ici que l’on a recours, généralement, aux statistiques pour prouver, avec brio, que les risques d’accident majeur sont « minimes » ou « négligeables » dans les réacteurs français. Nous voilà rassurés à bon compte.
Allez raconter cela aux victimes de Tchernobyl, en leur expliquant qu’ils font partie de ces anomalies statistiques et de ces quelques chances sur des millions. Peu importe pour tous ces malades et mourants : ils sont la triste preuve que les statistiques n’ont aucun sens car elles ne sont pas la réalité, mais une approximation de la réalité, ce qui est tout à fait différent. Malheureusement, tous les calculs de risque se basent sur ces opérations statistiques hautement douteuses. On prend le modèle pour la réalité… On pourrait le vérifier en maints endroits.
En revanche, ce qui est vrai, c’est que de nombreuses centrales sont construites dans des zones sismiques. Car la France, au sud d’une ligne Metz-Toulouse, est réellement sismique. Alors, on reprend des chroniques anciennes pour affirmer que notre pays n’a pas connu de séisme majeur depuis des siècles, voire jamais. Une fois de plus, quelle présomption… Ignorance ne fait pas preuve. Dire que puisqu’on n’a pas trace de séisme majeur, il n’y en a jamais eu, c’est un raccourci un peu abrupt, et d’une grande mauvaise foi intellectuelle. C’est le même genre de raisonnement que celui qui vaut dans l’agro-industrie ou la chimie : tant que l’on n’a pas prouvé que tel produit était nocif, alors ce produit est inoffensif.