L’idée (née collectivement) de faire la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 sur la Seine est, reconnaissons-le, plutôt géniale, car elle a permis de mettre en scène toute l’histoire du pays à travers le fleuve qui traverse la capitale: en descendant la Seine, on parcourt tout à la fois l’histoire de Paris et l’histoire de France.
Ce va-et-vient entre histoire et géographie a été magistralement mis en scène aussi bien par Thomas Jolly que Patrick Boucheron. Mais cette histoire n’est ni lisse ni tranquille, n’en déplaise à certains: le tableau de la Conciergerie l’illustre très bien. Oui, la France a une histoire violente, brutale, et oui, l’héritage révolutionnaire intègre aussi ce côté sanguinaire. Passer devant la Conciergerie c’est donc se remémorer l’épisode du procès de Marie-Antoinette et son exécution. Épisode sanglant, certes, mais qu’on ne peut éluder, que l’on soit « pour » ou « contre » l’héritage révolutionnaire.
Un paysage comme celui de Paris est donc particulièrement propice pour évoquer l’histoire du pays, ses moments forts ou/et dramatiques. Mais faut-il pour autant se prendre au sérieux? La réponse apportée par l’équipe d’organisation était visiblement « non ». Malheureusement, les critiques les plus acerbes sont venues de personnes qui de toute manière cherchaient à placer leurs pions et à semer, une fois de plus, la division et la haine. Peu importe que leurs critiques fussent fondées ou non…
Néanmoins, si jamais on voulait trouver un lien entre Bacchus et le Christ, on pourrait le trouver dans la filiation entre le symposion, ce repas rituel très codifié au cours duquel l’enivrement était recherché, et l’institution eucharistique, qui a effectivement opéré une synthèse remarquable entre les rites païens pré-chrétiens et les rites à proprement parler chrétiens. Il n’y a donc pas fondamentalement de contradiction entre le banquet païen et l’eucharistie, mais plutôt une forme d’intégration qui dans tous les cas met le vin et la fête à l’honneur.
Le côté très transgressif (et si français donc!) de cette cérémonie est clairement apparue avec le banquet où a chanté Philippe Katerine. Il est triste de constater que ce banquet, pour païen qu’il était, a lui aussi engendré un torrent de réactions haineuses et offusquées, comme si la religion chrétienne était explicitement visée. Mais vraiment, comment peut-on confondre Bacchus avec le Christ? Comme s’il suffisait de réunir des personnages autour d’une table pour évoquer la sainte Cène! Ces réactions ont plutôt montré l’ignorance et l’inculture de leurs auteurs. On ne peut pas hurler au « saccage de la culture française » en se trompant complètement de sujet, sauf si l’on cherche avant tout à dénigrer pour dénigrer.
Dans tous les cas, c’est bien cet aspect festif, impertinent et joyeux, qui a servi de trait d’union. C’est pourquoi les professionnels de la haine ne s’y retrouveront pas, de toute façon.